lundi 25 septembre 2006

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Matinales de France Culture : au milieu des chroniqueurs habituels, tous des intellectuels de gouvernement selon la formule de Gérard Noiriel dans son récent et éclairant livre "Les fils maudits de la République" (Alain-Gérard Slama à 7.50 / Alexandre Adler à 8.15 / Olivier Duhamel à 8.30), l'invité n'était autre que Pierre Rosanvallon, fils spirituel de François Furet et ancien pilier de la Fondation St Simon, sorte de think tank français d'une République du Centre dont le premier ferma les portes au décès du dernier.
M. Rosanvallon est en tournée promotionnelle pour son dernier opus "la contre-démocratie" où l'idée force est de mettre en lumière que la démocratie de rejet a subjugué la démocratie de projet.
On dira : pourquoi s'infliger un tel calvaire dès potron minet ? La réponse est simple, quasi biologique : il faut s'intoxiquer un peu du viral catéchisme libéral pour mieux y résister, c'est tout le principe du vaccin.
Au delà, Ronsavallon raconte à lui seul le basculement idéologique des trente dernières années, ce qui en fait un idéal-type saisissant. Songez seulement qu'en 1976 le même publiait "l'âge de l'autogestion" (ouvrage encore de référence dans la première moitié des 80's à l'Université, j'en suis témoin) pour mesurer le chemin parcouru. Neuf ans plus tard (1985), le thème avait changé, l'ouvrage s'appellera "le Moment Guizot" et ce n'est pas dénaturer son propos que de dire qu'il constitue une forme de réhabilitation historique du dernier premier ministre de Louis-Philippe (celui du sufffrage censitaire et de la célébre formule "Enrichissez-vous !") tombé avec la révolution de 1848.
Sur l'échelle "Serge July" de l'apostasie, Pierre Rosanvallon équivaut, certes, à un force 3 de chez Beaufort, soit du menu fretin. Tout au plus remarquera-t-on combien facilement ce qu'on appelât la deuxième Gauche vint renforcer ce courant de droite orléaniste que le vieux René Rémond avait jadis répertorié dans "Les Droites en France". Cela étant, la vraie question, fort bien posée par Noiriel, est bien de faire émerger une nouvelle figure de l'intellectuel qui n'appartienne ni à la catégorie des intellectuels de gouvernement - qui s'est essentiellement forgée après-guerre dans l'illusion lyrique des experts planificateurs - ni à celle des intellectuels révolutionnaires, post dreyfusards puis post sartriens, aujourd'hui sans cause. Il nomme cette nouvelle figure celle de l'intellectuel spécifique dont Bourdieu aura été sinon le paradigme du moins l'esquisse la plus achevée à ce jour.
Reste qu'il faudra bien, quoi qu'il advienne, en finir avec la tyrannie de la pensée molle des clercs radiophoniques.