Du blog comme aporie
Hegel disait que la lecture du quotidien du matin était la prière de l'homme moderne. On voit bien ce que cela a d'historique, de daté. La presse qui nait au 19ème siècle produit une actualité, une saisie, un recensement de faits qui s'articule avec une histoire quotidienne à moins que ce ne soit un quotidien de l'Histoire. Dans le champ littéraire, ce rythme - qui est aussi celui du temps de travail de la primo révolution industrielle - va trouver sa consécration avec le Journal. A l'époque, qui est la nôtre, d'une production de l'information quasi instantanée, d'une glisse constante d'un instant l'autre - cette glisse qui fait nos existences - quel medium peut espérer relever un tempo des faits, des impressions et des sensations où tout moment est sans cesse balayé par le suivant ? Le blog figure alors une forme électronique de nostalgie du Journal alors même que son fondement a disparu. A moins de faire l'étrange et peu occidental pari d'un hyper texte qui prenne la manière d'un mandala. Henri Michaux a très bien compris cela qui disait en l'espèce que le propre de l'écrivain est de ne pas laisser de traces. Encore cela était-il encore une figure esthétique. Aujourd'hui, où le sentiment du caractère aporétique de la trame de nos vies ne peut pas ne pas être ressenti, l'assertion de Michaux vaudrait presque comme inclination au silence. En d'autres termes, il est équivalent de supprimer ce blog que de le continuer. C'est sans doute le dernier charme qu'il conserve, celui de n'avoir, rigoureusement, aucune importance.
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