lundi 16 avril 2007

Le bel avenir de la dissidence

Des embarras gastriques et intestinaux m'ont retenu largement au lit hier et aujourd'hui. Le Nietzsche du Gai Savoir voyait dans les périodes de maladie les moments idéaux pour sonder ce qu'est la grande Santé, j'y vois plus modestement le temps donné de la lecture. En l'occurrence de Milan Kundera dont j'avais acheté quelques jours avant à peine le derner livre, Le rideau, dans cette librairie toulousaine "Ombres blanches" dont je ne connais pas d'égale (avec St Sernin, la deuxième merveille de la ville rose qui est en soi un petit joyau). Le Rideau est une nouvelle rumination de l'écrivain de Bohème à propos de l'art du roman, en sept parties assez brèves et admirablement composées qui forment un texte simplement splendide et lumineux. L'envie y est suscitée de relire Kafka, Gombrowicz, Musil, Flaubert, Faulkner, Rabelais, Garcia Marquez (la liste n'est évidemment pas exhaustive) et d'enfin lire Hermann Broch - les somnambules - ou le Tristam Shandy de Lawrence Sterne. Surtout, Kundera nous rappelle avec une force qu'on ne trouve guère que chez Gracq combien l'art romanesque, qui ouvre avec chaque grand auteur un nouvel espace-temps de re-présentation (une nouvelle déchirure du rideau des conventions), est à la fois aussi précieux que fragile. Mais, je ne développerai pas plus avant car, en cette orée de présidentielles, la lecture de MK m'a conduit à penser, par association d'idées, à une notion aujourd'hui oubliée et, c'est bien là qu'était mon propos. Cette notion, c'est tout simplement celle de la dissidence.

MK a quitté la Tchécoslovaquie en 1975 après avoir connu toutes les tracasseries du régime né de l'invasion soviétique de juillet 68. Je ne sais quel part il a pris dans le mouvement de Vaclav Havel et du philosophe Ian Patocka dans la constitution de la charte 1977. Peu importe ici tant il m'est apparu clair que s'imposait désormais à nous une nouvelle forme de dissidence. Une dissidence première à l'égard du Sarkozisme mais aussi une dissidence seconde à l'égard cette fois de la gauche auto-consacrée - la Gauche divine dont parlait Baudrillard dès le milieu des années 80, sûre de sa bonne conscience, pôle absolue de positivité morale débarrassée de la politique auquel, symboliquement, l'émergence négative d'un Le Pen ne pouvait que répondre.

Si Sarkozy est élu, ce qui est fort probable, nous aurons droit au diktat de la résistance, ce grand étendard des petits tribuns gauchistes. On lui préfèrera la dissidence car c'est de tout un système qu'il nous faut désormais tout autant nous méfier que nous éloigner, avec l'espoir secret qu'il s'écroule sur lui-même.