samedi 16 juin 2007

Mise en veille



Relisant distraitement mes derniers messages, je suis frappé par leur densité souvent absconse, leur absence de légèreté et de respiration, pour tout dire, leur caractère oppressé (je passe sur les contradictions qui ne sont le plus souvent qu'apparentes, faute de nuances, de clarté). Tout le contraire d'un Sloterdijk et, plus encore, d'un Baudrillard. Les textes jetés là semblent l'être sous l'influence d'une urgence, voire d'une angoisse latente, ce que trahit leur gravité, gravité dont j'espérais pourtant me défausser. Ecriture compulsive qui est sans doute en elle-même un symptôme, mais de quoi ? Quelque chose d'un testament fragmentaire comme écrit au détour de l'imminence de l'absence, du silence, d'un départ brutal. Or, tout le talent d'écrire, et d'écrire quoi que ce soit, tient à l'inverse du pari de la vie comme continuum. Tut mir leid. Combien il est absurde de se sommer à écrire quand l'écriture est justement tout sauf une sommation ? Qu'on est loin de la construction d'un monde rival du réel, et le défiant, et proche de l'affairement stressé de la vie urbaine ! C'est d'ailleurs peut-être dans cet échec que se tient, en creux, en négation, l'affirmation d'une écriture autrement salvatrice. Par contraste, on se dirait alors que c'est tout l'inverse qu'il faut faire, et mobiliser, les forces de la danse et de la légèreté, et ce serait alors là ma victoire, en creux. Ma victoire serait alors de dévoiler a contrario ce qu'il faut absolument faire, à savoir, se débarrasser sérieusement de tout esprit de sérieux. Si seulement !

Que l'on laisse faire la vacance, l'été, la décantation dans le tamis du temps ! A bientôt.


dimanche 10 juin 2007

S'en fout le score

Il y a quelques années, le grand Francis Marmande, ce grand amateur de jazz et de tauromachie dont on oublie trop souvent qu'il fut le continateur de Georges Bataille à la tête de la revue Critique, nous avait entretenu dans sa chronique du Monde d'une équipe de foot, à moins que ce ne soit de rugby, africaine, qui s'était baptisée "S'EN FOUT LE SCORE". Eh bien, en ce jour de Législatives escamotées (consacrant la nature plébiscitaire et infantile de la Vième République) et de nouvelle défaite de Roger Federer en finale de Roland Garros, je ferai mien cet état d'esprit magnifique. S'en fout le score de l'UMP, s'en fout le score du tâcheron espagnol, s'en fout le score tout court. On a presque envie à l'heure où les managers de la performance dominent le sport tout comme la politique - Baudrillard avait évoqué cette diffusion des valeurs performatives dans tous les domaines du social, dont le travail, dès les années 80 - de revenir à un idéal très ancien-régime, celui du style, de la courtoisie, du duel en règle (celui de Federer en fait, qui reste tout de même le meilleur, ce qui est un signe d'espoir). Quelle autre asymétrie instaurer dans cette post-modernité écoeurante de normativité managériale ? S'en fout le score ! Nothing else.

dimanche 3 juin 2007

Gloire au jetlag


L'Amérique s'est estompée, les images de la vacance new-yorkaise également, avec tout son cortège d'étrangetés qui bouscule l'habitus, et se pose de nouveau la question, cruciale pour moi, du jeu social, du mode d'être au social. Dans ce contexte, regarder Roland Garros devient fascinant tant l'hexis corporelle développée par les tennismen et women se donne à voir dans une forme quasi-parfaite. Et revient alors ce besoin de Bourdieu dans son acception pour moi la plus limpide, celle exprimée dans le sens pratique. J'ai trop peu pratiqué la geste lacanienne de passeur pour y résister ici : voici donc un lien vers une fiche de lecture de l'ENS Lyon qui en donne toute la puissance : http://socio.ens-lsh.fr/agregation/corps/corps_fiche_bourdieu.php.

Cependant, quelque chose résiste encore au retour complet à la vie parisienne et, si il y a nostalgie, ce n'est pas seulement de NYC - dont l'histoire commence alors que celle de Paris, ville fondamentalement du 19ième siècle comme le Benjamin des Passages l'a montré comme devers lui, se terminait - mais aussi du sentiment physique et psychologique d'être en décalage. Alors, pour retrouver ou recouvrer cet état, où la conscience s'aiguise loin du sens commun et tout aussi loin des repères scholastiques, dans une sorte de prégnance du sens pratique qui ne serait pas le lourd produit intellectuel d'une objectivation de l'objectivation mais d'une simple et légère mise à distance de soi du social - mise à distance sans laquelle le voyage, la vacance ne serait rien - on se saoûle de la lecture d'Ellroy, on feuillette l'album de photos, de ces instantanés de l'ailleurs, et l'on rêve d'une forme incorporée de la dissidence au social, entre rêve et veille, raison et intuition. Ne serait-ce pas cela le rêve américain ?