vendredi 29 septembre 2006

L'universel de la terre

Cela ne semble plus intéresser grand monde dans l'hexagone mais près de 20 000 morts civils ont été enregistrés en Irak selon l'ONU dans les six derniers mois (le plus souvent torturés). La violence inter-religieuse (sunnite versus chiite et réciproquement) est à son acmé dans les quartiers essentiellement bagdadi où les deux communautés cohabitent : au mieux, une guerre civile larvée dont on ne voit pas la résolution. Quand les lacs dégèlent (les dictatures tombent) les excréments remontent à la surface. Et, en l'occurrence, le ressentiment de nombre de chiites d'Irak envers l'ancien régime (assis sur la minorité sunnite) supplante aujourd'hui la haine de l'occupant américain, tout comme certains sunnites ne voient leur salut que dans l'affrontement de peur d'une partition qui les contraindrait à l'exode. Spirale des représailles, forces centrifuges (les kurdes finiront tôt ou tard par réclamer encore plus que l'autonomie actuelle), faiblesse de l'Etat central, incapacité chronique de l'armée d'occupation à établir l'ordre, tout se conjugue pour que la guerre civile devienne une sorte de fatalité, la question du retrait des troupes américano-britanniques devenant quasiment secondaire.

L'échec de la politique US en Irak et en Afghanistan (où les talibans, largement aidés par les services secrets pakistanais et par leur assise au sein de la communauté pachtoun dominante frustrée du pouvoir, ont regagné l'essentiel du terrain perdu hors Kaboul) est bien entendu patente. A un premier niveau, la stratégie de Bush et de son entourage peut s'interpréter comme l'étrange syncrétisme du wilsonisme et d'une vision brutale et sectaire du monde et de ses communautés. Elle s'appuie paradoxalement sur une forme d'idéalisme téléologique totalement oublieux de ce que le grand historien Braudel appelait la longue période, qui structure comme un génôme toute société. Or, il en est de l'Histoire comme du Social : les corps y sont plongés comme ils en sont traversés. On rejoint ici le Sartre de la Critique de la raison dialectique (ouvrage de critique du matérialisme historique resté inachevé) décrivant ces moments révolutionnaires de groupes en fusion avant le retour au pratico inerte. On rejoint également la sociologie bourdieusienne interrogeant l'inertie du Social. Non seulement on ne change pas le monde impunément mais, pas plus que l'assignation à l'universel, l'impératif démocratique ne se décrète, sous peine de périr par l'universel et de voir nos balbutiantes démocraties se muer en d'obscures oligarchies.

Et, à ce dernier propos, la question devient finalement celle de savoir si le 11 septembre n'est pas, historiquement s'entend, un non-évènement venant masquer un évènement bien réel, celui de la prise de pouvoir aux Etats-Unis des néoconservateurs les plus extrémistes. Alexandre Adler, cette pythie un rien verbeuse à l'érudition débordante et mal contenue qu'animent des haines tenaces d'ancien communiste (il n'a quitté le PCF que lors de la crise afghane de 1980), a parfois ses moments de grâce comme lorsqu'il fait remarquer que les Etats Unis sont la seule démocratie ayant échappé à une période de dictature (l'Angleterre a eu Cromwell) et que ce moment pourrait bien être proche si, dans deux ans, le nouveau Président émanait du même cercle chrétien intégriste (et crypto fasciste) que Bush, ce qui n'est pas à exclure.

Si l'on élargit un peu la vision au Proche Orient, au reste du Moyen Orient (dont l'Iran, prétendant nucléaire), au Pakistan (puissance nucléaire), on se remémore presque spontanément un titre de nos manuels d'histoire résumant la deuxième partie des années 30 en Europe : la montée des périls. Et, pire encore, on se sent impuissant.

Pas de nouvel Hegel pour nous rassurer sur un quelconque sens de l'Histoire, juste la foi un peu absurde et presque fruste en un compromis historique sur le sens même de l'universel qui pourrait rassembler l'humanité. Encore faudrait-il pour cela réinscrire à l'agenda politique (pour parler la novlangue d'aujourd'hui) la nécessité d'universaliser les conditions d'accès à l'universel. Aristote et Averroès étaient de ce complot là. Marx aussi. Et nous ?

jeudi 28 septembre 2006

Tomorrow is another day

Je n'ai rien posté depuis lundi, cela pose le problème du temps, du temps libre, du temps où l'esprit est libre pour écrire.
Je n'ai donc pas parlé de l'offensive de Sarkozy contre les juges de Bobigny, de la ballade de dimanche dans les impasses de l'ouest du Parc Montsouris (les HBM), de la société des lecteurs de Libération qui se monte actuellement (et corrélativement de la presse gratuite), de la soirée avec O., mon plus vieil ami et authentique libertaire, où ce dernier nous a régalé de sa connaissance du chocolat (et de sa découverte d'un maître chocolatier Rue du Bac dont nous avons dégusté un fondant vertigineux), ni du Bondy Blog (j'ai achevé la lecture du livre éponyme), ni de Mehdi Belhaj Kacem (mais j'y viendrai ?), ni du film sur Truman Capote (un bijou de psychologie dans une mise en scène "in cold blood") , ni de l'interview décevante de Braouezec ce matin sur France Inter, ni de l'amour épidermique qui me lie à M. (qui confirmerait la thèse d'un Adam originel à la fois homme et femme).
Tomorrow is another day.

lundi 25 septembre 2006

Publica Propaganda

Matinales de France Culture : au milieu des chroniqueurs habituels, tous des intellectuels de gouvernement selon la formule de Gérard Noiriel dans son récent et éclairant livre "Les fils maudits de la République" (Alain-Gérard Slama à 7.50 / Alexandre Adler à 8.15 / Olivier Duhamel à 8.30), l'invité n'était autre que Pierre Rosanvallon, fils spirituel de François Furet et ancien pilier de la Fondation St Simon, sorte de think tank français d'une République du Centre dont le premier ferma les portes au décès du dernier.
M. Rosanvallon est en tournée promotionnelle pour son dernier opus "la contre-démocratie" où l'idée force est de mettre en lumière que la démocratie de rejet a subjugué la démocratie de projet.
On dira : pourquoi s'infliger un tel calvaire dès potron minet ? La réponse est simple, quasi biologique : il faut s'intoxiquer un peu du viral catéchisme libéral pour mieux y résister, c'est tout le principe du vaccin.
Au delà, Ronsavallon raconte à lui seul le basculement idéologique des trente dernières années, ce qui en fait un idéal-type saisissant. Songez seulement qu'en 1976 le même publiait "l'âge de l'autogestion" (ouvrage encore de référence dans la première moitié des 80's à l'Université, j'en suis témoin) pour mesurer le chemin parcouru. Neuf ans plus tard (1985), le thème avait changé, l'ouvrage s'appellera "le Moment Guizot" et ce n'est pas dénaturer son propos que de dire qu'il constitue une forme de réhabilitation historique du dernier premier ministre de Louis-Philippe (celui du sufffrage censitaire et de la célébre formule "Enrichissez-vous !") tombé avec la révolution de 1848.
Sur l'échelle "Serge July" de l'apostasie, Pierre Rosanvallon équivaut, certes, à un force 3 de chez Beaufort, soit du menu fretin. Tout au plus remarquera-t-on combien facilement ce qu'on appelât la deuxième Gauche vint renforcer ce courant de droite orléaniste que le vieux René Rémond avait jadis répertorié dans "Les Droites en France". Cela étant, la vraie question, fort bien posée par Noiriel, est bien de faire émerger une nouvelle figure de l'intellectuel qui n'appartienne ni à la catégorie des intellectuels de gouvernement - qui s'est essentiellement forgée après-guerre dans l'illusion lyrique des experts planificateurs - ni à celle des intellectuels révolutionnaires, post dreyfusards puis post sartriens, aujourd'hui sans cause. Il nomme cette nouvelle figure celle de l'intellectuel spécifique dont Bourdieu aura été sinon le paradigme du moins l'esquisse la plus achevée à ce jour.
Reste qu'il faudra bien, quoi qu'il advienne, en finir avec la tyrannie de la pensée molle des clercs radiophoniques.

dimanche 24 septembre 2006

En guise de prolègomènes

"Le silence des espaces infinis m'effraie" confesse un certain Pascal dans son blog de Port-Royal. Voici au moins le sort déjoué pour ce qui est de la cybersphère...

Ici et maintenant commence donc une sorte de journal de bord, un journal DEBORD devrais-je dire tant nous sommes en situations, sans trop bien savoir de quoi.

On ne cachera pas aux hypothétiques lecteurs de ces lignes que ce journal sera tenu à la diable, diable qui justement est dans les détails, même s'il se veut d'abord une forme de rappel à la discipline élementaire de tout cybercitoyen, celle d'aller au rapport, avec son propre angle d'attaque.

Bric et broc, fatras peut-être, brouet jamais tant les miscellanées mises bout à bout figureront, espérons-le, une sorte de vérité fractale de ce monde, en creux, sachant que je ne suis ni un sujet ni un objet mais un simple agent de l'humaine société soucieux que les choses enfin s'améliorent... (http://oupopo.free.fr/findelafin.htm).