L'universel de la terre
Cela ne semble plus intéresser grand monde dans l'hexagone mais près de 20 000 morts civils ont été enregistrés en Irak selon l'ONU dans les six derniers mois (le plus souvent torturés). La violence inter-religieuse (sunnite versus chiite et réciproquement) est à son acmé dans les quartiers essentiellement bagdadi où les deux communautés cohabitent : au mieux, une guerre civile larvée dont on ne voit pas la résolution. Quand les lacs dégèlent (les dictatures tombent) les excréments remontent à la surface. Et, en l'occurrence, le ressentiment de nombre de chiites d'Irak envers l'ancien régime (assis sur la minorité sunnite) supplante aujourd'hui la haine de l'occupant américain, tout comme certains sunnites ne voient leur salut que dans l'affrontement de peur d'une partition qui les contraindrait à l'exode. Spirale des représailles, forces centrifuges (les kurdes finiront tôt ou tard par réclamer encore plus que l'autonomie actuelle), faiblesse de l'Etat central, incapacité chronique de l'armée d'occupation à établir l'ordre, tout se conjugue pour que la guerre civile devienne une sorte de fatalité, la question du retrait des troupes américano-britanniques devenant quasiment secondaire.
L'échec de la politique US en Irak et en Afghanistan (où les talibans, largement aidés par les services secrets pakistanais et par leur assise au sein de la communauté pachtoun dominante frustrée du pouvoir, ont regagné l'essentiel du terrain perdu hors Kaboul) est bien entendu patente. A un premier niveau, la stratégie de Bush et de son entourage peut s'interpréter comme l'étrange syncrétisme du wilsonisme et d'une vision brutale et sectaire du monde et de ses communautés. Elle s'appuie paradoxalement sur une forme d'idéalisme téléologique totalement oublieux de ce que le grand historien Braudel appelait la longue période, qui structure comme un génôme toute société. Or, il en est de l'Histoire comme du Social : les corps y sont plongés comme ils en sont traversés. On rejoint ici le Sartre de la Critique de la raison dialectique (ouvrage de critique du matérialisme historique resté inachevé) décrivant ces moments révolutionnaires de groupes en fusion avant le retour au pratico inerte. On rejoint également la sociologie bourdieusienne interrogeant l'inertie du Social. Non seulement on ne change pas le monde impunément mais, pas plus que l'assignation à l'universel, l'impératif démocratique ne se décrète, sous peine de périr par l'universel et de voir nos balbutiantes démocraties se muer en d'obscures oligarchies.
Et, à ce dernier propos, la question devient finalement celle de savoir si le 11 septembre n'est pas, historiquement s'entend, un non-évènement venant masquer un évènement bien réel, celui de la prise de pouvoir aux Etats-Unis des néoconservateurs les plus extrémistes. Alexandre Adler, cette pythie un rien verbeuse à l'érudition débordante et mal contenue qu'animent des haines tenaces d'ancien communiste (il n'a quitté le PCF que lors de la crise afghane de 1980), a parfois ses moments de grâce comme lorsqu'il fait remarquer que les Etats Unis sont la seule démocratie ayant échappé à une période de dictature (l'Angleterre a eu Cromwell) et que ce moment pourrait bien être proche si, dans deux ans, le nouveau Président émanait du même cercle chrétien intégriste (et crypto fasciste) que Bush, ce qui n'est pas à exclure.
Si l'on élargit un peu la vision au Proche Orient, au reste du Moyen Orient (dont l'Iran, prétendant nucléaire), au Pakistan (puissance nucléaire), on se remémore presque spontanément un titre de nos manuels d'histoire résumant la deuxième partie des années 30 en Europe : la montée des périls. Et, pire encore, on se sent impuissant.
Pas de nouvel Hegel pour nous rassurer sur un quelconque sens de l'Histoire, juste la foi un peu absurde et presque fruste en un compromis historique sur le sens même de l'universel qui pourrait rassembler l'humanité. Encore faudrait-il pour cela réinscrire à l'agenda politique (pour parler la novlangue d'aujourd'hui) la nécessité d'universaliser les conditions d'accès à l'universel. Aristote et Averroès étaient de ce complot là. Marx aussi. Et nous ?
L'échec de la politique US en Irak et en Afghanistan (où les talibans, largement aidés par les services secrets pakistanais et par leur assise au sein de la communauté pachtoun dominante frustrée du pouvoir, ont regagné l'essentiel du terrain perdu hors Kaboul) est bien entendu patente. A un premier niveau, la stratégie de Bush et de son entourage peut s'interpréter comme l'étrange syncrétisme du wilsonisme et d'une vision brutale et sectaire du monde et de ses communautés. Elle s'appuie paradoxalement sur une forme d'idéalisme téléologique totalement oublieux de ce que le grand historien Braudel appelait la longue période, qui structure comme un génôme toute société. Or, il en est de l'Histoire comme du Social : les corps y sont plongés comme ils en sont traversés. On rejoint ici le Sartre de la Critique de la raison dialectique (ouvrage de critique du matérialisme historique resté inachevé) décrivant ces moments révolutionnaires de groupes en fusion avant le retour au pratico inerte. On rejoint également la sociologie bourdieusienne interrogeant l'inertie du Social. Non seulement on ne change pas le monde impunément mais, pas plus que l'assignation à l'universel, l'impératif démocratique ne se décrète, sous peine de périr par l'universel et de voir nos balbutiantes démocraties se muer en d'obscures oligarchies.
Et, à ce dernier propos, la question devient finalement celle de savoir si le 11 septembre n'est pas, historiquement s'entend, un non-évènement venant masquer un évènement bien réel, celui de la prise de pouvoir aux Etats-Unis des néoconservateurs les plus extrémistes. Alexandre Adler, cette pythie un rien verbeuse à l'érudition débordante et mal contenue qu'animent des haines tenaces d'ancien communiste (il n'a quitté le PCF que lors de la crise afghane de 1980), a parfois ses moments de grâce comme lorsqu'il fait remarquer que les Etats Unis sont la seule démocratie ayant échappé à une période de dictature (l'Angleterre a eu Cromwell) et que ce moment pourrait bien être proche si, dans deux ans, le nouveau Président émanait du même cercle chrétien intégriste (et crypto fasciste) que Bush, ce qui n'est pas à exclure.
Si l'on élargit un peu la vision au Proche Orient, au reste du Moyen Orient (dont l'Iran, prétendant nucléaire), au Pakistan (puissance nucléaire), on se remémore presque spontanément un titre de nos manuels d'histoire résumant la deuxième partie des années 30 en Europe : la montée des périls. Et, pire encore, on se sent impuissant.
Pas de nouvel Hegel pour nous rassurer sur un quelconque sens de l'Histoire, juste la foi un peu absurde et presque fruste en un compromis historique sur le sens même de l'universel qui pourrait rassembler l'humanité. Encore faudrait-il pour cela réinscrire à l'agenda politique (pour parler la novlangue d'aujourd'hui) la nécessité d'universaliser les conditions d'accès à l'universel. Aristote et Averroès étaient de ce complot là. Marx aussi. Et nous ?