Démocratie : situation 1
Après 40 mn de marche jusqu'à la maison de la Porte Pouchet, où se tenait le séminaire "Délibération, démocratie participative et mouvements sociaux" avec, en guest stars, Bruno Latour entouré des siamois de la démocratie participative que sont Sintomer et Blondiaux, j'ai eu bien le temps de ruminer quelques considérations intempestives. Primo que Latour nous en a joué un bien beau, de tour, en articulant sa contribution autour des pragmatistes américains Walter Lippmann et John Dewey. Ce qui n'est pas seulement une provocation à la philosophie continentale classique mais aussi un effort de cohérence tant on saisit clairement que l'on ne peut mobiliser une théorie de la délibération - totalement anglo-saxonne - sans rendre compte de ce qui la fonde, à savoir une vision totalement déconstruite de l'intérêt général, aussi introuvable que peut l'être cette notion immanente (rousseauiste et hégelienne) d'un public éclairé. En d'autres termes, la politique véritable ne se vit que sur un mode d'exception ou, plutôt, un moment d'exception, qui est précisément celui où les règles se rompent face à de l'impensé, moment où la dialectique entre experts et activistes consacrés (pour reprendre le vocabulaire de Lippmann) laisse place à un espace d'expression du public dans la mesure où tout le monde est alors sur le même pied d'ignorance si l'on ose dire. Encore ce public là est-il susceptible d'être mobilisé par activistes et experts, qui ne sont l'expression que d'intérêts privés, pour les départager dans cette phase grise où aucune opinion ne va de soi.
On comprend bien ce qui fonde chez nous ce fétichisme de la représentation - où le délégué n'est que le représentant d'un citoyen omniscient et omnipotent, vaste fiction - versus le fétichisme anglo-saxon de la délibération où le public n'est mobilisé que lorsque les règles usuelles sont en défaut. A ce stade, il faut bien que Latour sépare le décisionnisme d'un Carl Schmitt - où c'est l'homme providentiel, en l'occurrence Hitler, qui surgit dans le moment d'exception - du décisionnisme éclairé et démocratique de Dewey, où le public s'interpose, dans un temps donné, lorsque se rompent les certitudes. Toute la philosophie politique anglaise s'est justement bâti sur le moment Cromwell - Hobbes, Locke - qui a révélé l'absence d'arbitre dans le débat public et en a pensé toutes les conséquences politiques, loin de la pensée continentale qui a érigé un peuple abstrait en arbitre, avec la fiction du citoyen engagé dans toutes les affaires.
C'est pour finir un débat grec, celui entre Socrate et le sophistes... où, cette fois, on donnerait raison aux seconds.
A suivre ! La lecture de "l'imposture démocratique" de Luciano Canfora, spécialiste italien de Thucydide nous y aidera. Avec, en contrepoint idéal, la pauvre Ségolène Royal.
On comprend bien ce qui fonde chez nous ce fétichisme de la représentation - où le délégué n'est que le représentant d'un citoyen omniscient et omnipotent, vaste fiction - versus le fétichisme anglo-saxon de la délibération où le public n'est mobilisé que lorsque les règles usuelles sont en défaut. A ce stade, il faut bien que Latour sépare le décisionnisme d'un Carl Schmitt - où c'est l'homme providentiel, en l'occurrence Hitler, qui surgit dans le moment d'exception - du décisionnisme éclairé et démocratique de Dewey, où le public s'interpose, dans un temps donné, lorsque se rompent les certitudes. Toute la philosophie politique anglaise s'est justement bâti sur le moment Cromwell - Hobbes, Locke - qui a révélé l'absence d'arbitre dans le débat public et en a pensé toutes les conséquences politiques, loin de la pensée continentale qui a érigé un peuple abstrait en arbitre, avec la fiction du citoyen engagé dans toutes les affaires.
C'est pour finir un débat grec, celui entre Socrate et le sophistes... où, cette fois, on donnerait raison aux seconds.
A suivre ! La lecture de "l'imposture démocratique" de Luciano Canfora, spécialiste italien de Thucydide nous y aidera. Avec, en contrepoint idéal, la pauvre Ségolène Royal.