De Platini à Guazzini, ou l'histoire d'un naufrage
A l'heure où, sans doute trop tard mais qui sait ?, le plus grand joueur de football français de tous les temps - Platini ne s'appréciait d'ailleurs jamais autant que dans un stade car sa vista géniale avait plus d'envergure que toutes les caméras et, en cela, il était encore pré-télégénique tandis que Zidane et ses vains tricotages sur un 1 m2 l'était pleinement - s'est hissé à la présidence de l'UEFA avec un programme alter-footbalistique qui ne peut que réjouir (anti-fric, anti-corruption, anti-traffic, anti-"arrêt Bossman", et pro-jeu !) je dois confesser ici que mon plaisir de spectateur placé en haut des gradins du Stade de France pour le match de rugby au sommet entre les deux Stade (Français et Toulousain) a été en partie gâché par le barnum de M. Max Guazzini, ci-devant Président du Stade Français Paris. Passons sur la techno tonitruante et les majorettes d'avant match, encore que, mais arrêtons nous sur la scénographie qui précédât le coup d'envoi. Un immense ballon rose juché sur un chariot est tracté d'une diagonale du stade au centre du terrain. Bon. Mais voilà qu'il s'ouvre, telle une huitre pas fraîche, pour nous faire sans doute admirer la dernière miss France en date, assise à l'intérieur sur un sofa et arborant niaisement un véritable ballon ovale, avant que de se refermer puis de sortir à l'opposé dans un concert de drapeaux roses agités par le public, digne de la fête à Neuneu, de Dysney et de la gay pride réunis. Tout cela dans un tintamarre techno assorti. On pense alors rentrer dans le match mais le délire guazzinesque est sans limites : à chaque pénalité marquée, un jingle effroyable nous écrase les tympans, idem pour les essais. Et, la fin de chaque mi-temps est célébrée, le mot est juste, par un enregistrement de cloche d'église comme venue de la basilique toute proche, cependant que les petits drapeaux roses s'agitent encore et encore dans une sorte de revival gay d'inauguration de JO. Que le match lui-même fut à peu près à la hauteur de ce que l'on pouvait en attendre - même si un arbitrage "à domicile" a privé les Toulousains d'une victoire largement méritée, la qualité de leurs trois-quarts, sans commune mesure, s'étant concrétisée par deux essais - tient à la fois du miracle et, presque, de l'anecdote, tant on se demande combien des 80 000 personnes présentes appréciaient autant le jeu que la mécanique de leurs holas.
Reste que, ce soir là, la nouvelle société du spectacle n'a pas été loin de mettre le rugby au pas, ce qui n'est pas un moindre exploit quand on connait sa force et sa passion viriles. Quel Platini viendra le sauver de ce naufrage programmé, telle était la question que je me posais une fois sorti de ce happening où il ne se passe résolument rien, sauf l'honneur d'un sport que ses joueurs ont servi de la manière la plus évidente qui soit : en étant authentiques.